Curiosité - le facteur X des achats et des ventes
Quelle est la principale qualité d’un bon acheteur et d’un bon vendeur ?
Intuitivement, la principale qualité d'un bon acheteur, ce qui en fait un acheteur efficace et performant, est distincte de celle d'un bon vendeur. Car on attend de l'un de sécuriser des approvisionnement aux meilleures conditions et de l'autre de développer et sécuriser un chiffre d'affaires.
Que disent les formations et les sites qui dressent une liste des qualités majeures d'un acheteur ? Ils parlent de sa ténacité, ses compétences de négociateur ou relationnelles, ses qualités d’analyse, de gestion des risques ou financière...
A mon avis, ces « qualités » sont des compétences techniques attendues et utiles, mais elles ne sont pas premières. A la lumière de mon expérience en développement commercial, au plus près d'acheteurs (mes clients), la qualité qui fait vraiment la différence est la curiosité. Et de même pour un vendeur, sa curiosité est la qualité première qui fera de lui un bon vendeur plutôt qu'un bon gestionnaire des ventes ; la curiosité sera son moteur dans l'échange, s'intéresser à l'autre (prospect, client, partenaire), l'écouter plutôt que de vouloir vendre ses produits, ses services.
Enfants, on nous raconte que « la curiosité est un vilain défaut ». Son équivalent anglais est encore plus terrifiant : « curiosity killed a cat ». On ne nous raconte pas que la curiosité est un don de la nature qui a permis, avec le pouce opposable, aux êtres humains de se développer et à nos sociétés d'évoluer. Vers 1650, Thomas Hobbes écrivait dans le Léviathan que la curiosité était le plus haut désir de notre cerveau (« curiosity is the lust of the mind »). Pour Hobbes, cela signifie une recherche incessante des causes mais aussi un attrait formidable - une curiosité - pour le nouveau et le pourquoi. La curiosité n'est pas un vilain défaut, bien au contraire. Elle doit être chérie et développée.
Pourquoi la curiosité est-elle la qualité première d’un acheteur ?
Parce qu'un acheteur curieux se distinguera du simple administrateur des achats, il saura observer et s'intéresser à des nouveautés, des innovations dans le monde des fournisseurs qui peuvent être performantes pour l'entreprise. La curiosité lui permet de dépasser le cadre existant - la "base fournisseur" -, de s'en détacher en s’ouvrant à la nouveauté, à des fournisseurs jusqu’ici inconnus et à des propositions innovantes de la part des fournisseurs actuels. Pour un acheteur curieux, toute nouvelle rencontre est une opportunité. Au lieu de se complaire dans un mode transactionnel, et agir en bon gestionnaire et en bon négociateur, l'acheteur très curieux est à l’écoute de la nouveauté, s'intéresse aux personnes de façon sincère, et va à la rencontre de nouveaux entrants potentiels. Si un fournisseur a une idée susceptible d’améliorer la productivité ou d'apporter de la valeur dans son aval, qui est susceptible de l'écouter et de capter les opportunités ? Certainement pas les acheteurs seulement motivés par le process et l'administration.
C'est pourquoi la curiosité est réellement une compétence différenciante pour la performance d'un acheteur (et d'un vendeur), la compétence première à mon avis. Parce qu’une organisation ne peut pas seulement avancer par petits pas ; elle doit savoir faire des bonds. Pour cela, l'organisation a besoin d'avoir en son sein des acheteurs curieux et pas seulement des très bons administrateurs des achats.
La curiosité est-elle suffisamment développée dans nos entreprises ?
A la lumière de mon expérience en grande entreprise et en accompagnement d'entreprises de taille moyenne, je dirais que ce n'est pas le cas. Que l'on appartienne à une multinationale ou à une PME, trouver à la direction des achats d'un client cible quelqu'un qui soit prêt à échanger est extrêmement difficile ; quelqu'un qui soit prêt à s'intéresser à vous, à ce que vous pouvez leur apporter, au risque que cet échange n'aboutisse pas aujourd'hui, c'est un oiseau rare. Bien entendu les acheteurs auront cette charge de travail qui les "empêche" de trouver du temps à vous consacrer ; cependant, ils trouveraient ce temps si (1) ils étaient pleinement conscients de la nécessité d'alimenter leur curiosité, et surtout si (2) l'organisation de l'entreprise ne les assignaient pas (seulement) à la bonne administration des affaires.
Comment développer la curiosité des responsables des achats et des leurs équipes ?
Je ne connais pas de cours de curiosité en formation supérieure aux achats ni en formation aux fonctions commerciales. On peut trouver des éléments fondamentaux dans les formations à l’innovation ou bien dans les formations à la recherche ; dans ces deux domaines, la curiosité est reconnue comme primordiale. Comment transférer ces savoirs et développer un corpus de formation à la curiosité dans les fonctions achats et vente / marketing ? Répondre à cette question m'apparaît aujourd'hui comme un enjeu majeur.